“L'inflation est l'ennemi numéro un de la stabilité économique et, en l'absence de la bonne décision au bon moment, les répercussions économiques sont désastreuses”, a souligné le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouen Abassi, en séance plénière au parlement.
Ladite séance a été marquée par une vague de critiques émanant de bon nombre de députés (de l'opposition en premier lieu) qui réclament des raisons “réalistes” et convaincantes de la récente augmentation du taux d'intérêt directeur de la BCT de 100 points de base, pour le porter à 7,75% par an.
Appuyés par des experts économiques, ces députés ont estimé que pareille mesure aurait des répercussions néfastes sur l'investissement et surtout sur la consommation, le pouvoir d'achat : des vecteurs de la croissance économique du pays.
“La tendance haussière de l'inflation à partir de 2015-2016 avait généré des disparités au niveau de la maitrise du taux d'intérêt directeur (…) nous nous sommes trouvés en zone rougeâtre, ce qui nous a poussé à approuver la hausse des taux d'intérêt”, s'est expliqué M. Abassi.
Selon le chef de la BCT, “un lien étroit existe entre l'inflation et la consommation de matières importées […] par conséquent, les exportateurs de ces matières sont les bénéficiaires de cette inflation, et non pas le pays”.
Député du Front populaire (principale alliance d'une dizaine de partis de gauche en Tunisie), Ammar Amroussia pense que “l'augmentation du taux d'intérêt de la BCT reflétait l'application des instructions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale”.
“M. Abassi devra revenir sur cette décision dangereuse pour la paix sociale en Tunisie”, a sollicité M. Amroussia.
Un autre député du Front populaire, Haykel Belgacem, a regretté de voir les bénéfices des banques augmenter de 15,6% en 2018 : “ces bénéfices provenaient de prêts de consommation qui seraient, à leur tour, affectés par le taux d'intérêt directeur (…) finalement, il s'agit d'une décision (hausse du taux d'intérêt) qui avait été prise sur mesure en faveur du détenteur du pouvoir financier du pays”.
Pour sa part, Ghazi Chaouachi, député du parti du Courant démocratique, s'est montré étonné quant à la “féroce” (un terme qu'il l'emploie) défense de pareille politique “ratée” dont l'échec et la défaillance furent clairement prouvés auparavant.
“Il s'avère assez évident, maintenant, que l'augmentation du taux d'intérêt de la BCT n'a pas réduit le taux d'inflation, qui se situe toujours dans la fourchette de 7,1%”.
Mis à part la polémique déclenchée depuis l'annonce, la semaine dernière (le 19 février), de la hausse du taux d'intérêt directeur de la BCT de 100 point de base, le gouverneur de la banque centrale tunisienne, Marouen Abassi, a reconnu la délicatesse de la conjoncture économique et financière actuelle, aggravée par une monnaie nationale (dinar tunisien) en flagrante “chute libre” depuis plusieurs mois.
En effet, “la baisse continue de la valeur du dinar par rapport aux devises étrangères (euro et dollar) revient essentiellement à la faiblesse des exportations (industries mécaniques et électriques, l'énergie, le phosphate et ses dérivés), ce qui a un impact négatif direct sur les soldes extérieurs”, a argumenté M. Abassi.
Dans ce sens, M. Abassi a pointé du doigt une baisse remarquable de la production de phosphate de 8.000 tonnes en 2010 à 3.300 tonnes en 2018, ce qui a aggravé le déficit de la balance énergétique qui passe de 605 millions de dinars (198,4 millions de dollars) à près de 5.000 millions de dinars (1.640,4 millions de dinars), ainsi que le déficit commercial qui atteint 19.000 millions de dinars (6,2 millions de dollars).
“Nous avons abandonné l'économie productive, a regretté M. Abassi avant d'estimer que seules une économie fondée sur la puissance productive et une consommation purement tunisienne pourraient remédier à l'allure inflationniste”.
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